La société MKAM VɄ’ Ʉ, auxiliaire indispensable du Fô, en pays Bamileke.
Littéralement, MKAM VɄ’ Ʉ signifie « les neufs
- notables ».
C’est une société politique et rituelle, essentielle à l’organisation de la chefferie. Cette assemblée consultative comprend théoriquement les héritiers de ceux que le fondateur avait choisi comme compagnons, pour l’assister dans sa charge.
Le MKAM VɄ’ Ʉ contrebalance les pouvoirs du Fô et en principe, les limite.
Le conseil du MKAM VɄ’ Ʉ comprend huit notables, descendants des compagnons du fondateur de la chefferie, et le Fô lui même.
Cependant dans beaucoup de chefferies, le conseil est élargi à d’autres dignitaires, wafo, kwipu ou mafo, également descendants de responsables des règnes précédents. Par exemple, à Bandjoun,il compte 30 membres.
Ce qui n’empêche pas que seuls les neuf notables titulaires aient le droit de participer aux délibérations et aux décisions. Les autres ne disposant que d’un droit de parole limité.
Les membres titulaires portent accolée à leur nom, une particule signifiant “héritier de”, dzu ou dza. Tous portent au poignet gauche un bracelet de cuivre doté d’un certain pouvoir.
Pour les cérémonies, ils ont une jupette en tissu traditionnel, de couleur ocre et rouge ; ils tiennent à la main le PFɄƏ KƏŊ ou arbre de paix. Par exemple pour le rituel du Kɛ, tous les deux ans.
C’est lui qui désigne le successeur du Fô défunt, en tenant compte bien entendu de l’avis donné par le Fô avant sa mort. Le conseil intervient aussi lors de la désignation et de l’intronisation des principaux dignitaires.
Les funérailles d’un de ses membres ont lieu sur la place du marché au même titre que celles du Fô.
Le MKAM VɄ’ Ʉ joue un rôle très actif lors des rituels magiques et mystiques de la période du Kɛ, tous les deux ans (initiations, rites agraires, etc.)
On peut dire que ce conseil intervient constamment, mais en particulier dès que la chefferie est menacée, il décide de la guerre ou de la paix, Il constitue un tribunal coutumier suprême C’est une sorte de collège de grands prêtres.
Le MKAM VɄ’ Ʉ contrôle toutes les autres sociétés de la chefferie et se trouve d’office, membre des plus puissantes sociétés totémiques.
Au point de vue social, il joue un rôle régulateur, met de l’ordre dans la chefferie. Il combat tous les maux sociaux, dont les désordres de l’adultère, par exemple.
L’administration coloniale, puis celle actuellement en place, s’est plutôt appuyée sur le Fô en élargissant son rôle par rapport au MKAM VɄ’ Ʉ, dont elle a eu d’abord tendance à minimiser les fonctions, dans la mesure où il est plus facile d’influencer un homme seul que tout un groupe.
Cette politique a quelque peu transformé l’aspect des chefferies. En fait, les neuf notables sont les seuls vrais dépositaires de la coutume dont le Fô, parmi ses pairs, n’est que le gérant.
Le Fô ne peut pas régner sans le concours actif du MKAM VɄ’ Ʉ et des sociétés coutumières, car les fondateurs des chefferies, ont tenu à faire respecter un certain équilibre des forces politiques en présence.
Deux exemples peuvent illustrer ce point de vue : l’intervention partisane de l’administration dans le choix d’un Fô à Baham en 1954, à la mort du chef K Max, a entrainé une crise grave qui a pesé de tout son poids sur la résistance en pays Bamiléké en 1955 – 1960.
Ailleurs, le refus de prendre en considération de l’avis des neufs notables et des dignitaires coutumiers, a entrainé une crise grave à Banka de 1954 à 1981, date à laquelle on est revenu à la règle traditionnelle de succession des Fô en ligne légitime.
L’administration, de nos jours, s’appuie sur le Fô, négligeant le MKAM VɄ’ Ʉ et l’on peut y voir une des causes très dommageables de la décadence des institutions traditionnelles.
Le chiffre neuf signifie, les neuf orifices naturels humains:
- les narines symbolisent le pouvoir
- les oreilles, la prévoyance
- les yeux, la sécurité
- la bouche, la communication
- le sexe, la fécondité;
- l’anus, le service.
Texte de Tékweue Fanmoé